
Dès que l’on parle de joaillerie éthique, on parle bien-sûr des pierres précieuses et de leur traçabilité mais aussi et surtout de l’origine de l’or. Les joaillers éthiques proposent en générale deux types d’or, soit de l’or recyclé soit de l’or Fairmined et Fairtrade. Nous allons voir ici ce que signifie un or Fairmined.
Si on devait faire une analogie, très grossièrement, un or Fairminded ça serait comme un aliment labélisé bio. En fait « Fairmined » est un label de certification que l’on obtient en répondant à des critères et des exigences très précises. Il atteste de la provenance de l’or.



L’extraction de l’or
Quelques chiffres pour commencer. Il est estimé qu’a ce jour plus de 190 000 tonnes d’or ont été extraites. Il faut retourner une tonne de minerais pour extraire 1 gramme d’or. L’or est tellement malléable que ce gramme d’or peut être étiré sur 2 km. Ce n’est pas tout, l’extraction de 20 grammes d’or nécessite des ressources considérables : 50 000 litres d’eau, 150 litres d’essence et 18 kg d’oxyde de souffre. Ce qui représente près de 415 kg de CO2. Il est estimé que la production de l’or va réduire de 25% d’ici à 2025 car peu de nouveaux gisements sont découverts.
Chaque année plus de 4000 tonnes d’or sont achetés dans le monde. La moitié est destinée à la joaillerie, un peu moins de 10% sont destinés au secteur technologique, 10% sont achetés par les banques centrales et les 30% restant sont des investissements.
Une des caractéristiques principales de l’or est qu’il peut être recyclé à l’infini car c’est une des rares matières précieuses qui conserve toutes ses propriétés, sans connaître la moindre altération après avoir été recyclé.
Les garanties du label Fairmined
L’or Fairmined est un or labellisé par une certification qui atteste de la provenance d’or produit par des mines artisanales à petite échelle, autonomes et responsables. L’objectif du label Fairmined est donc de garantir l’origine de l’or tout en s’assurant des conditions de travail des mineurs, du développement social de la région et de la protection de l’environnement.
L’initiative Fairmined a été créée par l’ARM (l’Alliance pour une Mine Responsable), une organisation fondée en 2004 à but non-lucratif, reconnue mondialement comme chef de file et pionnière de l’activité minière artisanale, responsable et éthique. Leur objectif est de faire de l’activité minière : « une activité formelle, organisée et rentable utilisant des technologies efficaces qui soit socialement et écologiquement responsable ». Pour atteindre cet objectif l’organisation travaille avec l’ensemble des acteurs de la chaine d’approvisionnement (mineurs, législateurs, industrie, gouvernement, acheteurs…) pour respecter la norme « Standard Zéro » dans le monde de l’extraction de l’or, de l’argent et du platine.
Grâce à ce label, en achetant de l’or Fainimed, le consommateur peut ainsi soutenir les incitatives pour une activité minière responsable.

Or Fairmined : Les garanties sur l’environnement
Comme je le précisais plus haut, un gramme d’or demande de creuser et de retourner une tonne de minerais, à cela s’ajoute l’utilisation de produits chimiques et de beaucoup d’eau pour extraire l’or. Le label Fairmined a donc pour objectifs d’atténuer les effets de l’utilisation du mercure et autres produits chimiques toxiques, d’améliorer la restauration de l’environnement et de garantir une gestion responsable de l’eau.
Pour que l’or soit Fairmined il faut dans un premier temps que l’activité minière soit considérée comme « artisanale et à petite échelle », c’est à dire n’excède pas 4 grammes d’or par mineur et par jour au moment de l’entrée dans le système de labélisation.
Le standard Fairmined exclut également le dragage mécanique de l’or dans les plans d’eau naturels, comme les lits de rivière, les mers, les lacs, etc… tant que toutes les conditions de protection de l’environnement ne sont pas respectées.
Aucune mine dans une zone de conflit et à haut risque, ou dans une aire protégée pour l’environnement et l’archéologie ainsi que des zones décrétées avec des écosystèmes critiques ne pourra être labélisée.
Les défis environnementaux exigés aux mines (tels que la gestion environnementale, le respect de la réglementation, la gestion de l’eau, la restauration du paysage, la prévention des risques, la gestion des rejets et des déchets, la prévention de la pollution de l’eau…) sont des objectifs réalistes et peuvent être atteints de façon progressive à court ou moyen terme en prenant en compte les ressources humaines et financières des mineurs artisanaux. Il est également prévue une prime écologique supplémentaire pour les mines qui suppriment l’usage du mercure et du cyanure et qui ont des projets de réhabilitation de l’écosystème endémique. Cette prime Fairmined en tant que telle n’est pas seulement une «récompense» pour la conformité avec des pratiques minières responsables, mais c’est aussi le moyen de donner aux mineurs les fonds nécessaires pour rendre le développement possible.

Or Fairmined : Les garanties pour les mineurs
Le label Fairmined a pour objectif de garantir de bonnes conditions de travail pour les mineurs. Un « travail décent » est une notion de plus en plus considérée par de nombreuses nations comme un des objectifs politiques et socio-économiques principaux pour faire face à la pauvreté et renforcer la gouvernance démocratique. La notion de travail décent passe par quatre objectifs stratégiques :
- La possibilité d’exercer un travail productif et convenablement rémunéré, assorti de conditions de sécurité sur le lieu de travail et d’une protection sociale pour sa famille.
- La possibilité de s’épanouir et de s’insérer dans la société, ainsi que la liberté d’exprimer leurs préoccupations, de se syndiquer et de prendre part aux décisions qui auront des conséquences sur leur existence.
- L’égalité de chances et de traitement pour les femmes et les hommes.
- L’interdiction du travail forcé et l’élimination du travail des enfants.

Or Fairmined : Les garanties sociales
Le label Fairmined encourage le bien-être des familles et des enfants des communautés minières en apportant de meilleures conditions de sécurité sociale. L’intention de cette exigence est d’assurer que les mineurs hommes et femmes aient une protection santé et une indemnité de retraite officielle, ou, en l’absence de plans formels de sécurité sociale, sont couverts par un filet de sécurité sociale.
Des accords de partage des risques et profits entre employeurs et travailleurs sont fréquents (comme par exemple les travailleurs se voient offrir une certaine part de la production d’or) afin de rendre le travail permanent et stable et donc d’assurer un bénéfice mutuel avec pour les employeurs des effectifs stables et pour les travailleurs un lieu de travail sécurisé avec des prestations sociales. Les employeurs s’engagent à :
- Payer des salaires conformes ou supérieurs aux lois et accords nationaux sur le salaire minimum ou la moyenne régionale
- Partager les profits et assurer des paiements équitables et réalisés dans les délais
- Abolir le travail forcé. Ce qui implique que les travailleurs ont le droit de s’engager à travailler volontairement et librement, sans la menace d’une sanction quelconque, et qu’ils sont libres de mettre fin à leur emploi à tout moment sans pénalité
- Ne pas faire de retention de salaires, de documents d’identité ou autres effets personnels de valeur afin d’éviter le travail sous contrainte
- Ne pas faire effectuer des tâches minières et en particulier les travaux souterrains et dangereux à des jeunes de moins de 18 ans
- Rejeter toute forme de discrimination des travailleurs. Qu’elle soit basée sur une distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion publique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. L’objectif de cette exigence est de protéger les personnes qui sont vulnérables du fait de leurs caractéristiques physiques, culturelles, sociales ou économiques, en particulier les femmes mineurs, les personnes infirmes ou malades, les orphelins du VIH-SIDA, les travailleurs migrants, les personnes déplacées par les conflits ou les anciens combattants à la recherche d’un nouveau départ
Le manque de structures d’accueil des enfants dans la communauté est souvent une entrave pour les soins aux enfants de 0 à 6 ans (bébés et tout-petits). Les mines s’engagent donc à assurer que des structures d’accueil convenables pour les enfants soient fournies aux mères qui travaillent et qui allaitent. Les enfants entre 7 et 14 ans n’ont pas la permission de travailler dans la zone minière et là où cela est possible, ils doivent aller à l’école.
Les enfants plus âgés, entre 15 et 18 ans, qui sont en situation de chef de famille et qui cherchent un moyen de subsistance, sont des cas particulièrement sujets à controverse. Il est difficile de choisir entre, d’une part leur refuser l’accès à cette opportunité de subsistance, et d’autre part accepter sciemment le travail de ces enfants. Dans le cas où l’enfant souhaite travailler les principes directeurs de la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant doivent être utilisés pour leur assurer le bien-être et la sécurité.
Si cela est possible des opportunités alternatives et sûres de création de revenus doivent être trouvées pour ces enfants, pouvant inclure une scolarité flexible s’ils ont moins de 15 ans (ou plus selon la législation nationale).

Or Fairmined : Les garanties pour les consommateurs
Le Système Fairmined vise à rendre la traçabilité physique totale de l’or par tous les opérateurs depuis la mine jusqu’à l’acheteur final.
Le système Fairmined fournit des certificats à chaque étape pour authentifier et certifier l’or. Les certificats sont un système “enregistré et revendiqué” qui garantit que l’or a été vendu de manière physiquement traçable à un acheteur officiel.
Les produits de consommation labélisés Fairmined peuvent être poinçonnés avec la marque de certification Fairmined suivant le manuel de marquage de l’ARM, assurant aux consommateurs que l’origine de l’or est physiquement traçable et qu’il provient de producteurs Fairmined certifiés.
Les exigences de traçabilité physique et documentaire assurent donc au consommateur que la quantité exacte d’or Fairmined dans un produit spécifique a été produite suivant le Standard par une ou plusieurs organisations de mineurs artisanaux et à petite échelle mais garantissent aussi que l’achat du produit de consommation procure des bénéfices immédiats aux mines certifiées et aux régions alentours. Pour cela le prix de l’or doit suivre les cours de la LBMA (London Bullion Market Association) pour l’or et l’argent ou le cours du LPPM (London Platinium and Palladium Market) pour le platine, et doit être supérieur à (ou au moins égal à) 95% du prix du marché du métal pur fixé.
Le standard Fairmined pour l’or

Vous pouvez retrouvez plus en détail le standard Fairmined et sa dernière version ici.
Or Fairtrade
Il existe également un deuxième label un peu moins connu qui s’appelle « Fairtrade ». Le label « Fairmined » est délivré par une ONG colombienne alors que le « Fairtrade » a été lancé par la fondation Suisse Max Havelaar. Ce dernier, tout comme le label Fairmined, soutient les mines artisanales et mettent premièrement l’accent sur l’environnement, sans rejet de cyanure ni de mercure dans la nature et les conditions de travail sont la deuxième préoccupation.
L’or recyclé, une autre option
Comme je vous le disais au début de cet article l’or peut se recycler à l’infini sans perdre ses propriétés exceptionnelles. Il y a aujourd’hui assez d’or sur le marché pour pouvoir répondre aux besoins de la joaillerie, il suffit pour cela de penser à recycler les bijoux que l’on ne porte plus. Cette démarche est de plus en plus acceptée et encouragée par les joailliers qui récupèrent votre or pour vous faire de nouvelles créations. Attention ce n’est pas pour autant que l’or recyclé est parfait, il faut quand même utiliser des produits chimiques lors du processus mais il a au moins l’avantage d’être déjà extrait et le processus de refonte se fait en France donc beaucoup plus sous contrôle.
Les joailleries éthiques
Quelles sont les maisons de joaillerie qui se revendiquent éthiques ? L’une des pionnières sur le sujet est la société Chopard qui utilise depuis longtemps l’or Fairmined d’Amérique latine pour réaliser la palme d’or du Festival de Cannes ainsi que les collections de haute joaillerie « Green Carpet ». Aujourd’hui, la Maison Suisse n’utilise plus que de l’or Fairnined et recyclé pour l’ensemble de sa production tant horlogère que joaillière.
Dans la même veine, il y a Boucheron, Pomellato et Dodo qui affirment qu’ils n’utiliseront, à partir de 2020, plus que de l’or éthique ou recyclé et provenant d’acteurs certifiés RJC.
Depuis quelques années de jeunes joailleries éthiques ont vu le jour telles que : Paulette à bicyclette, April Paris, Or du monde, Héloïse et Abélard, Manal Paris, Mansano, Artaner Paris, Laure Desjonqueres, 57facettes… Ces joailleries connaissent un succès croissant car elles répondent à une vraie demande, qui est de consommer de façon responsable et raisonnée.
Et les pierres précieuses ?
Bien-sûr une joaillerie éthique ne se contente pas de s’assurer de la provenance de l’or utilisé, il y a également le sujet des pierres précieuses. Pour les diamants naturels, il y a aujourd’hui la possibilité de tracer leur provenance grâce au processus de Kimberley et certaines joailleries se sont même tournées vers le diamant de laboratoire. Vous pouvez d’ailleurs retrouver sur ce sujet mon article « Quoi penser du diamant de synthèse ? ».